La Presse > Publié le 28 avril 2014 à 11h04

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Par Isabelle Audet
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Qu’est-ce qui provoque les « Mamaaaaaan ! Papaaaaa ! » qui déchirent la nuit ? Cauchemar, terreur nocturne ou simple peur du loup ? Voici de quoi faire le tri dans ces nuits agitées… et quelques pistes de solution.

Les cauchemars

Les vrais cauchemars – ces mauvais rêves si intenses qu’ils provoquent le réveil – surviennent plutôt rarement chez les enfants en bonne santé. Il n’y a pas de règle absolue, mais d’après Antonio Zadra, professeur en psychologie à l’Université de Montréal, plusieurs recherches sur la question fixent la fréquence « normale » à un cauchemar toutes les deux ou trois semaines.

« Les enfants chez qui il y a un état de stress continu peuvent faire plus de cauchemars. On fait aussi un rapprochement très net entre les mauvais rêves et les films plus impressionnants, ou encore les jeux vidéo », ajoute Reut Gruber, chercheuse et pédopsychologue spécialisée dans le sommeil, à l’Institut Douglas.

Quand la situation devient dérangeante, la pédopsychologue recommande aux parents de se pencher d’abord sur la routine du soir : l’enfant regarde-t-il un écran juste avant d’aller au lit ? Profite-t-il d’une période calme une fois en pyjama ?

Si, malgré un environnement douillet, les cauchemars demeurent récurrents, l’idée d’aller chercher l’aide d’un psychologue peut être indiquée, ajoute-t-elle.

C’est ce qu’a fait Catherine Lavoie pour venir à bout des nombreux cauchemars de son fils Gabriel, 7 ans. « Quand il avait 5 ou 6 ans, il pouvait nous réveiller trois ou quatre nuits par semaine. Il rêvait qu’il était seul, ou que quelqu’un était méchant avec lui », raconte la mère de trois enfants.

Enfant heureux, Gabriel se montre toutefois plus inquiet que ses copains du même âge. La famille a donc fait appel à une psychologue scolaire pour l’aider à surmonter son anxiété. « Ça l’aide beaucoup, constate Catherine. Oh, il fait encore des cauchemars à l’occasion, mais il les gère de plus en plus seul. Il a un ourson comme objet transitionnel et ça le rassure. »

Frayeurs d’enfant

Il y a une sorcière qui apparaît là, dans l’ombre, chaque fois que papa et maman quittent la pièce ? On n’a pas affaire ici à un mauvais rêve, mais à une frayeur d’enfant.

« Beaucoup plus de parents consultent au sujet de ces peurs que des cauchemars. Je dirais que ce problème est presque la norme chez les enfants de 4 et 5 ans. À cet âge, ils ont une grande imagination ! Leur esprit crée toutes sortes de situations qui nous semblent improbables, mais qui les effraient réellement », explique Reut Gruber.

« Quand un enfant a un problème de sommeil, ce n’est pas seulement son problème ; c’est le problème de toute la famille, ajoute-t-elle. Les parents qui viennent me voir ne peuvent souvent juste plus supporter la situation. »

Qu’à cela ne tienne, suggère-t-elle : contre-attaquons. La sorcière a beau sortir tout droit de son imagination, pour l’enfant, elle existe. Tenter de le raisonner ou nier sa peur risque de faire perdurer le problème. « Je travaille avec la peur de l’enfant. Je lui demande de me décrire ce qui lui fait peur et, ensemble, on prépare un plan pour s’en débarrasser. À cet âge, ils peuvent être très créatifs ! Habituellement, ça fonctionne », explique la pédopsychologue.

C’est d’ailleurs ce qu’ont fait Catherine et son conjoint lorsqu’un monstre s’est ajouté à leurs nuits, en plus des cauchemars de Gabriel. La solution ? Une grande statue de Darth Vader. Après tout, qui oserait s’en prendre à Darth Vader ? « L’épée laser, c’est très efficace ! », lance en riant la mère de famille.

Attention toutefois aux interventions qui font en sorte que l’enfant devient dépendant de ses parents pour s’endormir. « Sans vouloir mal faire, on entre parfois dans des habitudes qui sont néfastes. Comme au moment du coucher, l’enfant doit apprendre à se rendormir seul. Sans quoi on entre dans un cercle vicieux », ajoute Reut Gruber.

Terreurs nocturnes

Souvent confondues avec des cauchemars très intenses, les terreurs nocturnes ne passent pas inaperçues.

Le scénario est presque toujours le même. Environ deux heures après s’être endormi, le dormeur se lève. Il dort, mais il a les yeux ouverts, son coeur bat la chamade et ses propos sont décousus. Surtout, il est très agité. « Le genre d’événement qui se traitait autrefois avec un curé ! », résume Antonio Zadra.

Ces terreurs touchent surtout les enfants de 3 à 12 ans. « Quand mon plus jeune a fait des terreurs nocturnes, j’avais beau savoir ce qui se passait, je trouvais ça assez dramatique comme événement, ajoute-t-il. Quand tu as ton enfant dans tes bras, qu’il pleure, qu’il se débat et qu’il ne te reconnaît même pas, ça peut être difficile. »

Une terreur nocturne ne dure heureusement pas longtemps. Rarement plus de 20 minutes. Le professeur ajoute toutefois qu’il est possible de ramener l’enfant dans son lit en le rassurant doucement, même s’il n’est pas totalement conscient.

Difficile d’expliquer ce qui provoque les terreurs nocturnes, mais il semble y avoir une dimension héréditaire. Généralement, ce trouble va aussi de pair avec le somnambulisme.

Les enfants qui font des terreurs nocturnes ne se souviennent d’ailleurs pas du tout – ou très peu – de ces épisodes. Ils n’en souffrent donc pas. Et heureusement, le trouble disparaît généralement à l’adolescence.


Source : La Presse